40 ans d’aide à la décision dans une gouvernance en mutation
Cécile Bouclet / Article publié dans la lettre de Codra n° 56 Novembre 2017
Depuis ses origines, la raison d’être de Codra est d’aider à la décision. Nous étudions, formulons des diagnostics, partageons des orientations et proposons des actions dans le vaste domaine de l’aménagement et du développement des territoires. De ce point de vue, rien n’a changé puisqu’il faut renouveler les réflexions, apporter des regards neufs, prendre en compte de nouvelles problématiques, intégrer les éléments de contexte réglementaire ou financier… Il est régulièrement nécessaire de relancer des dynamiques d’engagement des actions pour les collectivités locales. Au cours de ces quarante années, ce sont surtout nos maîtres d’ouvrage qui ont muté. Nous avons accompagné ces changements, en adaptant tant nos productions que nos méthodes d‘approche.
Quelles mutations ? Le point de départ est évidemment la décentralisation. Depuis 1982, qui marque l’« acte I » de la décentralisation jusqu’à la loi NOTRe du 7 août 2015 de nombreuses étapes se sont succédées, induisant un grand nombre de changements au plan de l’écriture des politiques locales, de la structuration de l’ingénierie interne et au plan financier.
L’intercommunalité s’étendant, le pouvoir politique se partage avec la recherche d’un consensus entre les élus et vis-à-vis des autres acteurs de l’aménagement territorial, au premier rang desquels l’Etat qui – bien que décentralisateur – reste le garant d’une équité nationale. Les décisions ne se prennent plus (seulement) dans le bureau du Maire ou du Président d’un EPCI, il faut engager un processus pour faire adhérer les protagonistes qui deviennent, d’une certaine manière, co-responsables. La pratique du conseil a nécessairement dû s’adapter pour non seulement éclairer le maître d’ouvrage sur la problématique technique mais aussi l’accompagner dans ce processus décisionnel. Le champ des compétences des collectivités et des élus s’est considérablement élargi, aussi faut-il aller rapidement à l’essentiel. Alors qu’il serait nécessaire, eu égard aux complexités actuelles, d’appréhender l’ensemble du contexte de manière approfondie. La décentralisation et le monde, devenu numérique, confondent vitesse et efficacité des politiques. Si bien que lorsqu’un problème semble sans solution, les collectivités sont démunies. Notre rôle de consultant doit évoluer encore pour redonner du sens et de la méthode aux réflexions, si importantes, relatives au cadre de vie. La gouvernance est devenue une composante première de tout projet ou politique publique.
Le management devrait probablement le devenir également davantage à l’avenir. C’est la deuxième évolution majeure induite par la décentralisation et la structuration des collectivités locales, qui doivent se doter des moyens techniques, d’ingénierie et d’encadrement capables de mettre en œuvre un projet politique. Ainsi, l’outillage des collectivités s’est considérablement étoffé avec des moyens humains et aussi des moyens matériels qui conduisent à changer les modes d’intervention. Au fil du temps, le travail collaboratif devient essentiel, a fortiori avec l’empilement des données et diagnostics dont les maitres d’ouvrage se sentent « riches ». En réalité, il faut pouvoir faire émerger de cette matière un véritable diagnostic et travailler davantage avec les différents services pour optimiser le temps et les budgets consacrés aux études. Or cet exercice peut être ardu et exige davantage d’expertise. La composition des équipes que nous mettons à disposition change et doit s’adapter à cette exigence…
Enfin, la courbe des moyens financiers n’est pas linéaire au cours de ces quarante années. Les budgets consacrés aux études ont augmenté avec la mise en place des intercommunalités qui devaient écrire leurs politiques urbaines. Puis, les moyens financiers ont été rétractés avec la baisse globale des ressources mais aussi du fait de l’internalisation de l’ingénierie. Mêmes conséquences sur les prestations qui sont demandées aux consultants œuvrant pour l’aménagement des territoires.
Il résulte de ces évolutions en partie concomitantes un éparpillement des sujets traités, une certaine dilution de la décision et de l’engagement. Cela conduit à un renforcement du cloisonnement des approches au fil du temps, de même que l’émergence d’intercommunalités XXL renforce le pouvoir local.
Or, la complexité des contextes aujourd’hui nécessite de dépasser les carcans institutionnels ou règlementaires pour permettre de trouver des solutions nouvelles voire innovantes dans la transversalité. Pour cela, une ingénierie externalisée, capable d’apporter une expertise ouverte sur une diversité de situations, distante des contingences du quotidien, continuera de jouer son rôle de médiation, à condition de faire évoluer encore ses méthodes d’intervention.